|
VENI VIDI VICI
En Lozère, à Florac, avec ses gorges du Tarn, ses montagnes, ses
falaises, ses causes et sa Corniche, j’en suis presque venu à
regretter les paysages alpestres du Beaufortin et ses sommets à plus
de 2000 mètres d’altitude, aux pentes moins agressives.
Des monts Lozère et Aigoual à la Corniche des Cévennes, en passant
par les cols de Finiels, Tribes, Valoussiere, La Croix Berthel,
Perjuret, Prat- Peyrot, Sereyrede, Rey, Exil, Faisses, sans oublier
les charmants villages de Sainte Enimie, Marene, Meyrueis,
Fraissinet de Fourques, chacun d’entre nous en conservera des
souvenirs, liés à son imagination et à sa sensibilité. |
|
Sur ces routes surchauffées, torturées et ventées, au goudron
fondant, nous avons tous vécu une odyssée, avouée ou inavouée. Le
soir, les visages émaciés trahissaient la fatigue du jour, quelque
fut l’ordre d’arrivée à l’hôtel, pour déguster la bière réparatrice.
Merci à vous qui m’avez aidé, soutenu et attendu pendant mes longues
minutes de pose, au creux d’un virage, à l’ombre, face à
l’incidence décourageante de la pente des prochains hectomètres à
gravir, dans des lacets, sans fin.
Je pense à :
- Don Juan Carletto dé Pégomas et à Georges, qui de mes
premières souffrances dans le col de la Croix Berthet, après Violas,
furent les témoins de Genolhac .
- Michel, le Blaireau, qui, après m’avoir longuement accompagné,
a rebroussé chemin, m’abandonnant à mon triste sort sur la corniche
des Cévennes, pour récupérer, quelques kilomètres en arrière,
Pierre, en difficulté au Col de l’Exil. Seul, alors, entre ma Petite
Reine impatiente et ma Grande Reine protectrice, je reprenais mon
inexorable progression pour ne faire honte, ni à l’une, ni à
l’autre, mais surtout pas à moi-même.
- je n’oublie pas Jacques et son efficace coup de pédale, malgré
ou grâce à son micro-gabarit, dans notre conquête du col de
Perjuret ; c’était après la pose casse-croute à Meyrueis, au moment
où les autres rescapés de l’Aigual avez opté pour un parcours moins
éprouvant, par le Causse Méjean.
Sur l’inoubliable rampe de Pompidou, un motard de la Gendarmerie m’a
encouragé à poursuivre mon ascension à pieds pour éviter de casser
des jambes, déjà bien fragilisées ; « encore 2 kms et c’est gagné
pour FLORAC », m’affirma-t-il…. je n’en étais pas convaincu !
A leur manière, nos deux lièvres ont également souffert, en
présumant parfois de leurs forces et de leur jeunesse, dans des
chevauchées ambitieuses.
L’un d’eux, Didier, a su accompagner son père, chaque fois que
nécessaire, avec patience et gentillesse ; avec aussi une facilité
déconcertante, pour ceux qui s’accrochaient à sa roue……. n’est-ce
pas Marie-Jo, dans la longue ascension de 20 kilomètres du mont
Aigoual, débutée à la sortie du village des Rousses, ou des
Roussets.
Claude, bien que piqué au doigt, par une abeille, au point de devoir
faire sectionner son alliance, pour libérer une énorme enflure, a
poursuivi son reportage photographique, que nous attendons avec
impatience.
A l’esprit de compétition qui sommeille en chacun d’entre nous, j’ai
préféré la visite guidée des Gorges du Tarn, par Martine et
Jean-Yves.
Ce fut, après le déjeuner, un enchantement de tout un après-midi
cycliste, consacré à la contemplation des merveilles de la nature
enrichies de l’héritage laissé par nos anciens. Les nombreuses
photos de ces paysages et de ces bâtisses, hors d’âge, lovées dans
les méandres du fleuve, nous laisseront des souvenirs impérissables.
La découverte de Sainte Enimie, avec son passé (12e/13e
siècle), son église, son musée, ses ruelles escarpées, son pont
romain s’élevant à quelques dizaines de mètres au-dessus du lit du
fleuve, commentée par Paul, dans ses détails architecturaux, a rendu
au cyclotourisme, que nous pratiquons trop rarement, ses lettres de
noblesse.
A table, le soir, des exploits vélocipédiques, maintes fois répétés
et détaillés, me donnent le tournis. Des P.B.P, aux tours de France,
en passant par les diagonales ou les cyclo-sportives, je me suis
souvent demandé si j’étais à ma place au milieu de ces artistes de
la pédale, moi, le besogneux de l’asphalte.
Merci à ceux et à celles, qui dans les voitures suiveuses, nous ont
encouragé, tout en nous offrant la tentation d’abandonner.
Merci à Martine pour la réussite de ce séjour qui a demandé un gros
travail de préparation ; qu’elle pardonne la fausse note du premier
soir, qu’un gourmand a provoquée, en contemplant, dans son assiette,
une dorade décorée de trois cœurs de brocolis, appétissante et
délicieuse, au demeurant.
500 Kms, 7000 mètres de dénivelé en 4/5 jours ! Est-ce bien
raisonnable pour les anciens auxquels j’appartiens ?
J’aspire à du cyclotourisme plus doux, sur des routes moins
sauvages, aux charmes différents, mais tout aussi séduisantes.
S’il s’agissait encore de montagne, pour nos prochains séjours, je
saurai, pour ménager ma vieille carcasse, sacrifier mon orgueil
sportif sur l’autel de votre amitié, et adopter la sagesse de Paul,
le Vénérable, et celle de Jean-Yves, le Contemplatif.
Michel JOLY |
|